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Topic: [QOBUZ] Norah Jones en 10 morceaux (Read 1114 times) previous topic - next topic

[QOBUZ] Norah Jones en 10 morceaux

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Article de Qobuz:

Même si ses albums paraissent sur le label Blue Note, Norah Jones n’a jamais été vraiment jazz. Comme elle n’a jamais vraiment été pop, ni folk, country ou soul… Depuis le début des années 2000, la chanteuse et pianiste américaine a toujours tout fait pour flouter, voire éradiquer les frontières stylistiques au profit de sa propre musique apatride, qu’elle adore partager avec d’autres musiciens venus d’horizons divers. Petit tour de son monde en 10 titres.

Don’t Know Why sur Come Away With Me (2002)
La première chanson du premier album. C’est par ces mots, « I waited 'til I saw the sun, I don't know why I didn't come », que beaucoup sont tombés sous le charme de Norah Jones, le 26 février 2002. Avec cette ballade écrite trois ans plus tôt par le songwriter Jesse Harris et portée par un piano rêveur et une rythmique de soie, la New-Yorkaise de 22 ans offre d’entrée de jeu non seulement la singularité de son alliage jazz, pop et vaguement folk/country mais surtout la beauté de sa voix sensuelle, faussement détachée, un peu à la Carole King… Cette voix qui porte la chanson. Toutes les chansons même. Elevée au Texas par sa mère seule, la fille du plus grand des sitaristes, Ravi Shankar, le sait très bien : « Blue Note étant classé jazz, les gens m’ont évidemment perçue comme une chanteuse de jazz. Le label a fait en sorte que ce premier album sonne comme une recherche personnelle de comment chanter une chanson. Ça n’était pas du jazz pur, il y avait un mélange de plusieurs éléments. Il y avait aussi de la country et différentes choses. Ce n’étaient que des chansons finalement… »

What Am I to You ? sur Feels Like Home (2004)
Deux ans après le succès mondial inattendu de son premier disque, Norah Jones fait de Feels Like Home une suite évidemment moins surprenante mais pas moins intéressante. Avec plus de moyens et des reprises bien choisies (Townes Van Zandt, Tom Waits et Duke Ellington), elle s’éloigne légèrement de l’ambiance « piano bar » pour une instrumentation plus large et des arrangements plus ambitieux. Mais comme What Am I to You? le prouve une fois encore, c’est sa voix qui s’occupe de tout… Portée par deux légendes échappées de The Band, le batteur Levon Helm et l’organiste Garth Hudson, cette chanson blues et country sur la complexité des relations amoureuses avance avec une roublardise de façade que sa chaleur et sa sincérité dégagent d’un simple revers de main. Une merveille laid back assez intemporelle qui fleure bon ce Sud qui lui a toujours été si cher. Et même si l’orgue d’Hudson fait de l’ombre à son jeu de piano hérité du grand Floyd Cramer, LE pianiste du Nashville des 50’s et des 60’s, le « style Norah Jones » montre ici des couleurs inédites.

Sinkin’ Soon sur Not Too Late (2007)
Pour son troisième album (le premier sans aucune reprise), Norah Jones signe toutes les chansons, cesse de travailler avec le producteur Arif Nardin, qui vient de mourir, et s’éloigne encore plus de l’image de star chanteuse/pianiste lounge un brin lisse que certaines mauvaises langues lui trouvent… Cette fois, avec l’aide de son compagnon producteur Lee Alexander, elle ne jure que par la philosophie less is more. Tout ici est soupesé et surtout dénudé à l’extrême. Adieu luxe, calme et volupté ! Place à des chansons squelettiques mais sublimes, parfois proches de la démo. Impossible de lui reprocher de faire ici un Come Away With Me Vol. 3. Sur Sinkin’ Soon, elle joue même les Tom Waits en jupons. Une belle ballade pour vieux loups de mer ne suçant pas que de la glace. Une chanson aux cambrures de cabaret emmenée par un piano à peine ivre et un trombone chétif avec, en special guest dans les chœurs, l’excellent M. Ward.

Stuck sur The Fall (2009)
Après s’être beaucoup mise à nu, Norah Jones s’offre une impressionnante garde-robe avec The Fall. Tapis rouge donc pour le gros producteur Jacquire King mais aussi le songwriter Ryan Adams, le batteur Joey Waronker ou les guitaristes Marc Ribot et Sam Cohen, pour ne citer que quelques-uns des participants à son quatrième album studio qui ne cache pas ses ambitions plus pop voire rock’n’roll. Figure culte de la country alternative, Will Sheff du groupe Okkervil River est lui aussi de la partie et cosigne Stuck, sur laquelle la guitare électrique torride de Cohen éloigne la star fraîchement trentenaire de sa zone de confort. Une histoire de fille embrouillée par un type lourd dans un bar et que Norah Jones, plus Fionna Apple que Janis Joplin, chante avec beaucoup de mesure, histoire d’esquiver les clichés que ses mots pourraient charrier.

For the Good Times sur For the Good Times des Little Willies (2011)
Avec le jazz, la country music est l’autre grande passion de Norah Jones. Si ses albums ne cessent de le rappeler, les Little Willies, qu’elle a fondés avec Richard Julian, Jim Campilongo, Lee Alexander et Dan Rieser, lui permettent d’assumer à 200 % un tel péché mignon. Grâce à ce side project qui lui tient à cœur, elle revisite les plus grands standards du genre comme ses trésors oubliés. Des pièces signées Johnny Cash, Hank Williams, Willie Nelson, Fred Rose, Townes Van Zandt, Loretta Lynn, Dolly Parton ou Lefty Frizzell. Enregistrée pour la première fois par Bill Nash en 1968, For the Good Times est l'une des plus belles chansons de Kris Kristofferson. L’une des plus tristes aussi – encore une histoire de rupture – que la terre entière a revisitée, d’Al Green à Ray Price, en passant par Perry Como, Michael Jackson, Frank Sinatra, Jerry Lee Lewis, Lloyd Cole, Isaac Hayes et Dean Martin. Norah Jones et ses quatre gardes du corps en donnent une lecture modérément glauque, lovée dans un feeling un brin jazz. Surtout, la Telecaster de Jim Campilongo et le piano de la chanteuse entament un paso-doble délicat et très touchant.

She’s 22 sur Little Broken Hearts (2012)
Brian Burton alias Danger Mouse est l’un des nombreux collaborateurs qui ont compté dans la carrière de Norah Jones. En 2011, ils travaillent ensemble sur le projet Rome, hommage aux musiques de films italiens des années 60 et 70 cosigné avec Daniele Luppi. L’année suivante, le tandem enregistre, presque seul dans le studio de Los Angeles de Danger Mouse, ces Little Broken Hearts, Norah Jones au piano, claviers, basse et guitare, et Danger Mouse à la batterie, basse, guitare et arrangements pour cordes. Des « petits cœurs brisés » dont l’amusante pochette (un pastiche de l'affiche du film Mudhoney de 1965 du pape des seins XXL Russ Meyer) démine les potentielles séquences larmoyantes… Sur She’s 22, Norah demande à un ex si la jeunette de 22 ans avec qui il est désormais le rend heureux. Pour cette ballade folk triste mais pas plombante, Burton a cousu un magnifique manteau brumeux et mélancolique fait de guitares minimalistes, de piano funambule et d’orgue lointain. Et sa voix dénuée du moindre effet fait surtout preuve d’une sincérité assez bouleversante.

Long Time Gone sur Foreverly de Billie Joe + Norah (2013)
Norah Jones et Billie Joe Armstrong de Green Day, unis pour la vie ? Seulement le temps d’un album improbable publié en 2013 sur lequel le duo d’un jour rend hommage aux immenses Everly Brothers. Plus précisément à leur album de 1958, Songs Our Daddy Taught Us. « J’ai pensé qu’il serait cool de refaire ce disque obscur à redécouvrir d’urgence. Le faire avec une voix de femme lui donne une signification différente », expliquera le chanteur punk qui qualifie sa rencontre avec Norah de blind date. Au cœur de cette belle parenthèse de rock 50's aux effluves country, les voix de Norah Jones et Billie Joe s’harmonisent à la perfection. Sur Long Time Gone, l’union touche au sublime sans jamais pour autant plagier la version d’origine de Don et Phil Everly. Une curiosité certes, mais assez attachante à la longue.

Don’t Know What It Means sur No Fools, No Fun de Puss n Boots (2014)
Un autre groupe pour rappeler que l’americana a toujours inspiré Norah Jones. En 2008, avec Sasha Dobson et Catherine Popper, elle forme Puss N Boots, joli trio de cow-girls qui ne publiera qu’en 2014 son premier album studio composé de titres originaux et de reprises de goût piquées à Johnny Cash, Neil Young, Wilco, Tom Paxton, George Jones, Jeb Loy Nichols et The Band. Un disque sentant évidemment bon la poussière, le saloon abandonné, l’alcool frelaté et les paysages ponctués de cactus, de rocheuses et de grands espaces… Sans révolutionner la country et le folk rock, Puss N Boots s’applique à en proposer une lecture honnête, belle et simple (jamais simpliste). C’est Norah Jones qui signe l’énervé Don’t Know What It Means que tractent une belle guitare twang et une rythmique 50’s. Comme une Neko Case faisait du rockabilly, elle délaisse le club de jazz de fin de soirée pour un honkytonk joliment bancal où la Bud et le Black Jack coulent à flots…

Fleurette africaine (African Flower) sur Day Breaks (2016)
En 2016, avec l’album Day Breaks, Norah Jones mêle à nouveau compositions originales et reprises (Horace Silver, Neil Young et Duke Ellington). Ce sixième album réunit ses nombreuses passions, purement jazz ou soul, voire pop ou folk. Mais c’est tout de même son viscéral amour pour le jazz qui habite ce disque élégant qui ne cherche jamais à capter l’éphémère ère du temps. Au fil des années, son piano comme sa voix se sont clairement musclés pour alterner entre nonchalance et épure ou pugnacité et gouaille. L’ensemble est intense comme le final du disque : une impressionnante reprise – instrumentale – de Fleurette africaine (African Flower), chef-d’œuvre d’Ellington (enregistré pour la première fois en 1962 sur le mythique Money Jungle avec Charles Mingus et Max Roach), interprété ici avec le saxophoniste Wayne Shorter et le batteur Brian Blade. Tout au long du morceau, Norah Jones apporte sa grâce pianistique si singulière que ses nombreux clones n’ont jamais réussi à approcher… « En préparant Day Breaks, je n’ai pas arrêté de revenir à Money Jungle et cette African Flower. Je l’adore. Ces choses sonnent « brut » et sont une source d’inspiration. Ce sont des mélodies qui restent en tête. En même temps, c’est très fluide et touchant. Et je voulais qu’on essaie de sonner comme eux. »

Wintertime sur Begin Again (2019)
Grande admiratrice de Wilco, Norah Jones s’était amusée à reprendre sur scène Jesus, Etc. dès 2008. Onze ans plus tard, sur son court Begin Again, elle intègre deux collaborations avec le cerveau du groupe de Chicago, Jeff Tweedy : A Song With No Name et Wintertime. C’est par ces mots un brin dépressifs que débute la deuxième chanson : « I'm alone, but I feel alright / In the summertime and the fall / In the spring when the house is dark / Doesn't bother me at all » (« Je suis seule, mais je me sens bien. En été et en automne. Au printemps quand la maison est sombre. Ça ne me dérange pas du tout »). Du pur Norah Jones qui aime à rappeler régulièrement qu’aucun mot joyeux ne peut sortir de sa bouche sans paraître kitsch… Avec l’aide des percussions ouatées de Spencer Tweedy, le fils de Jeff, la composition a l’allure d’une ballade country aux teintes sépia. Surtout, Wintertime fusionne bien leurs deux identités musicales. « Avant mon arrivée en studio, Jeff avait déjà trouvé pas mal d'accords, toute la mélodie et certains mots. Sa façon d'écrire et de penser les paroles est très différente de la mienne… Difficile de décrire le processus de cette chanson mais il y avait comme une sorte de va-et-vient jusqu’à mener à un chemin commun. Ça s’est fait avec beaucoup de naturel… »

source: https://open.qobuz.com/focus/95558